Le temps d’infusion
Du prisme de la méfiance à la quête du merveilleux
Ce texte raconte comment La Fée du Sens est née : d’un filtre inconscient, d’un meltdown, et d’une décision radicale de regarder le monde autrement et d’en faire jaillir du merveilleux.
En 2019 j’assistais à ma première Master Class avec Frank Lopvet. Mon mental a absorbé ses paroles comme un véritable nectar : il mettait des mots et de la clarté sur nos mécanismes inconscients. J’avais enfin l’impression de voir l’opaque de l’humain se dissiper un peu.
Il démontrait que nous expérimentions le monde tel que nous pensions qu’il était. Il disait que : si nous répondions à la questions « on vit la vie de sorte à ce qu’elle nous prouve que…. » on verrait le filtre au travers duquel on regardait la vie. Notre prisme sur le monde dépendait donc des lunettes que l’on décidait de chausser sur notre nez!
Moi, la vie je la vivais de sorte à ce qu’elle me prouve que j’avais bien raison de me méfier. Je suis autiste mais je ne l’ai appris qu’à 53 ans. Depuis petite j’observe donc un monde qui fonctionne selon des règles qui me sont étrangères et des codes que je ne comprends pas vraiment. J’ai donc appris à me méfier. Me méfier de moi d’abord en raison de la dissonance entre mes ressentis et le retour que je reçois des autres. Me méfier des autres dont la dissonance perçue - ils n’agissent jamais comme je m’y attend - m’oblige à la plus grande vigilance pour parer à ce qui inévitablement arrivera.
J’ai “fabriqué”, 50 années durant, mon propre syndrome post-traumatique - à mon insu - parce que je ne comprenais ni le monde dans lequel je vivais, ni pourquoi je me sentais si différente. Il me fallait une raison pour justifier tout cela : j’avais raison de me méfier.
Tankée dans l’ornière
Ces 5 dernières années j’ai exploré l’humain et moi. J’ai tenté de comprendre pourquoi on fonctionnait comme on fonctionnait, mais surtout qu’est-ce qui n’allait pas chez moi. Pourquoi tout me semblait-il si fastidieux, douloureux, délétère, tout le temps.
Cette exploration a un début et c’est Frank. Ce n’est pas le premier stage de “développement personnel” que j’ai fait, mais c’est le premier pivot dans ma manière de voir le monde.
Affamée de connexion sociale, j’avais enfin des clefs exploitables pour mieux comprendre les autres. Armée de cette nouvelle compréhension j’ai regardé mes proches. Je voyais leur filtre! Et cela expliquait radicalement pourquoi ils voyaient le monde tel qu’il le voyaient. J’ai vaguement regardé mon propre filtre que je pensais être « je regarde la vie de sorte à ce qu’elle me prouve que j’ai raison » mais sans plus l’explorer que cela, ni creuser. Il me manquait encore un bout…. Je ne voulais pas avoir raison pour avoir raison, je souhaitais démontrer que j’avais raison de me méfier (je ne l’ai compris que maintenant).
Et puis? Rien… Ou si.
J’ai obtenu encore plus de raisons de me méfier.
Les mêmes schémas se sont reproduits encore et encore. Des impressions de compréhension, des mini-épiphanies, suivi des mêmes conséquences encore et toujours.
La stase a durée en longueur puis a gagné en intensité avec la ménopause pour me faire littéralement imploser psychologiquement. Une goutte d’eau a créé un tsunami émotionnel : un Meltdown. Massif. Inattendu. Et combien salvateur!
Premier soubresaut
La première pièce du puzzle c’est la ménopause qui me l’a servit sur un plateau. Elle a fait éclater mon masque. Plus le temps passait et plus mes traits autistiques devenaient visibles. Et si c’était ça cette différence sourde que je sentais en moi depuis toujours?
Légitimer que l’on est pas simplement tarée ou associale, valider ce que l’on sent si profondément en nous depuis le début fait un bien de fou!! Comme si un poids immense nous était enlevé…
Il pesait 25kg ce poids. Comme par magie, j’ai retrouvé un poids de forme que je n’avais pas connu depuis mon adolescence… sans rien faire.
Faute de bon mode d’emploi, je m’employais à devenir ce que je ne pouvais jamais être : quelqu’un d’autre. Lorsque la pression a disparu, sa conséquence - mon poids - s’est dématérialisé.
Epiphanie
Alors que je visionnais une énième video sur les réseaux sociaux, pour occuper la stase, j’ai tenté une expérience de pensée. La video avait capté toute mon attention. C’était bref. Voici l’exercice de pensée (tente le pour voir, c’est intéressant):
« Imagines que tous tes besoins financiers soient totalement assurés. Que tes proches soient tous à l’abri. Que tu aies pu acheter toutes les possessions dont tu rêvais et que tu aies fait tous les voyages que tu rêvais de faire.
A quoi occuperais-tu le restant de ta vie? »
Sous l’apparence simple de l’exercice, deux constatations se sont imposées à moi.
Concevoir que je sois à l’abri m’étais virtuellement impossible. J’avais un PTSD bien plus profond que ce que j’imaginais au point où cela inhibait mon imagination à ce point! J’ai « buggé » littéralement pendant 10 minutes à tenter de voir la scène. J’y suis parvenue mais au prix d’un effort d’imagination incommensurable et poussif.
Me poser la question de ce à quoi j’occuperais le restant de ma vie me plongeait dans l’abîme des infinies possibilités mais pour la première fois, je voyais émerger un truc profond. Je veux aider les autres, j’ai ataviquement besoin de lien social. Ce qui pourrait sembler paradoxal pour une autiste mais est en réalité d’une logique implacable : Ne pas parvenir à interagir avec l’autre de manière fluide est à la fois notre plus grande difficulté mais également notre souhait le plus cher. On a tant à partager!!
Donc je me suis donc demandée à quoi j’étais douée.
Quelle pierre pouvais-je amener à l’édifice du collectif?
Ce en quoi je suis douée c’est de voir le potentiel des autres, “leur merveilleux”.
Il me saute aux yeux professionnellement. Je vois leur plein potentiel, celui de leur projet, leurs progrès. Et quand je le verbalise, ils le voient aussi!
N’est-ce pas magique???!
Pour la première fois depuis longtemps, j’ai ressenti un truc qui vibrait à nouveau en moi. Ce feu qui me semblait éteint à jamais se ranimait. Enfin! Quelque chose de fort m’animait à nouveau.
Car l’exercice de pensée sert à cela.
Ce que tu découvres comme réponse à la question « à quoi j’occuperais le reste de ma vie » est ton appel profond, ce que tu as fond de tes tripes. Et tu le ressens dans ta chair.
Epiphanie 2, La réplique
Lorsque j’ai eu cette compréhension, ce n’est pas ma tête qui s’est allumée. Elle était déjà en feu. C’est mon corps qui a réagit. J’ai senti dans mon corps que cela venait de moi. C’est difficile à retranscrire ici. C’était comme si chaque cellule de mon corps se mettait à danser. Joyeusement. Fébrilement. Follement.
Puis tel un tremblement de terre, la réplique est arrivée.
Car une fois que tu as enfin mis le doigt sur ce qui t’anime profondément, la question est de savoir ce qui t’empêche de le faire maintenant, non?
Alors mes yeux ont regardé avec lucidité la personne que j’étais dans la vie de tous les jours. Où était le merveilleux dans ma vie? Comment est-ce que j’interagissais avec les gens? Etait-ce merveilleux? Pas vraiment…
Mes super-pouvoirs d’autiste me permettent de voir tout ce qui est dissonant, manquant, erroné dans un projet comme dans un narratif. J’ai programmé mon système à « out performer » ce talent depuis toujours, pour me protéger. J’y excelle!! Et je partage ce talent sans lésiner en offrant aux autres toutes leurs dissonances cognitives sur un plateau. Charmant non?
Dans ma tête c’était pavé de bonnes intentions : vu qu’ils voient pas, si je leur montre cela va les aider. CQFD.
Le truc c’est que mes super-pouvoirs me permettent aussi de voir le merveilleux, ce que je parviens à faire dans le professionnel… mais que je ne m’applique pas à moi-même. Il m’est apparu comme une évidence (un claque un peu douloureuse à mon ego je dois dire) que le filtre de mes lunettes était négatif, pessimiste, méfiant, suspicieux par défaut.
C’est de ma responsabilité de choisir mon prisme
Cela relevait de ma responsabilité de changer de lunettes.
Je peux délibérément choisir des lunettes roses au lieu de ces affreuses lunettes noires.
Si ma quête est le merveilleux, alors ma quête devient merveilleuse
Lorsque mon rôle est d’être celle qui parvient à faire ressortir le merveilleux chez les autres, alors le groupe ne peut plus représenter un danger. Car il devient une opportunité pour moi de faire quelque chose de merveilleux et une occasion pour l’autre de se sentir merveilleux.
Tout événement social devient une source de joie d’anticipation Les conversations deviennent des sources d’émerveillement. L’idée de pouvoir découvrir le merveilleux chez les autres, devient réjouissante.
L’éléphant dans la pièce
En fait, depuis le début je n’avais pas vu l’éléphant dans la pièce. Je n’avais pas réalisé que j’avais mis le filtre de la méfiance sur ma manière de voir le monde. Que je présumais de la malhonnêteté des gens ou leur incompétence.. Comment avoir un relationnel apaisé dans ces conditions? Je n’avais juste pas conscience qu’à force de ne pas comprendre le monde, je l’avais présumé malveillant.
Mais ce prisme n’est pas l’unique manière de voir le monde et c’est certainement pas la réalité de ce qui se passe. Il m’appartient de décider comment je souhaite le prendre. Et je vais choisir mieux.
Dernière petite claque pour la route.
Ce que je dis à mes clients depuis des années c’est qu’un business ne fonctionne bien que lorsque c’est totalement aligné à qui l’on est. Moi je n’étais pas alignée à mon business. Si je veux faire du merveilleux, je dois incarner ce merveilleux.
Je ne prêche pas comme un cordonnier mal chaussé. Qui parle de ce qu’il ne s’applique pas à lui-même. J’ai la conscience aigüe d’avoir tardé à comprendre et la certitude d’être encore très loin du compte. Mais ce que je fais dans mon accompagnement c’est t’aider à voir ce merveilleux. Cette magie dans laquelle tu excelles et qui te rend beau aux yeux du monde et désirable car ce que tu apportes fait la différence.
L’harmonie ne vient pas du fait que nous chantions tous la même note en coeur, mais que chaque note singulière joue en symbiose les unes avec les autres.
On dit que les autistes sont connus pour leur « slow processing ». Ce n’est pas une légende pour ce qui me concerne. En revanche notre supposée rigidité cognitive est toute relative. Dès que l’on a compris, on s’ajuste :)
Si ce que je viens de te partager te parle et que tu souhaites trouver ta note ou le courage de l’exprimer, contactes-moi.
Disclaimer: Tout ce que je partage est vrai depuis là où je l’observe. Ce n’est pas une vérité absolue ni immuable (j’espère bien évoluer!). C’est ce qui me traverse au moment où je l’écrit.
Si cela ne résonne pas avec toi, ne prends pas.